AIMEZ-MOI !
Aimez-moi !
Je ne demande que ça. Rien qu’une nuit, rien qu’une fois. Peu importe qui, quand, comment, ou pourquoi. Aimez-moi !
Vous, mes frêles colombes, qui viennent de picorer des cacahuètes, les ailes lourdes de whisky, appuyées sur la rambarde de mon balcon gris, aussi froid que la tour Eiffel nous narguant à l’horizon. Mes cherries imbibées de coke en talons cocktail, que j’ai ramassées au petit matin sur les quais de la Seine, une odeur de cigarettes dans les cheveux, et de sexe au bord des lèvres.
Toutes les deux, vous représentez le mauvais côté de la cuisse. Pas celle du poulet grillé dominical aux relents de repas de famille. Pas la tendresse d’une main de femme qui s’allie aux méandres de son homme, pour le meilleur et pour le pire.
D’ailleurs, je n’ai même pas prêté attention à vos visages. À quoi bon ? Ta minijupe plus courte que la lame de mon opinel, Avril, me parle plus que n’importe quel regard. Sans parler du short moulant la moule de l’autre, comment déjà? Anaisthêsia. Non, peut-être pas. Peu importe. Elle n’a rien d’un anesthésiant, ça c’est sûr…
− Et toi, c’est comment ton petit nom ? vous m’avez demandé.
− Saturne, mais il n’a rien de petit.
Non, c’est même la deuxième plus grande planète du système solaire. La diversité de son système d’anneaux est absolument incroyable. Constitué de cristaux de glace, à sniffer pour mieux se perdre soi-même. De poussière, comme celle qu’on deviendra un jour. Ou de roches magnifiques, aussi dures que les coups de poings infligés par mon père, qui s’est appliqué à me réduire en bouillie d’agneau. D’anneaux ? Peut-être. Comme l’alliance que j’ai perdue, ou celle qui accompagnait ma mère dans la tombe. Aimez-moi !
Allez les filles, assez bavassé, levez-vous qu’on danse. À propos de tourner autour du soleil, vous avez fini par m’échauffer. Oui, bougez-vous, trémoussez-vous, déshabillez-vous, je vais vous donner ce que vous êtes venu chercher. On va « saturbiner », mes cocottes !
Ah, non ! Qu’est-ce que c’est que cette musique de zulu ? Ecoutez-moi ça, plutôt. C’est quoi ? J’vous en foutrai, moi ! Et pas seulement de mon foutre. Respect aux rois de Liverpool : « All you need is love, tou toutou loulou. All you need is love, love. Love is all you need. »
Si c’est pas malheureux, vous n’êtes même pas bonnes à faire taire ma voix off, foutus sous-titres ne me laissant pas un instant de répit. Je les exècre presque autant que vous. Les voilà, vous les entendez ? Sur fond de verre d’alcool, je me fonds dans le décor d’une vie dénuée de fond. Mais ça, mes poulettes, vous ne pouvez pas le comprendre. Vous êtes là par hasard, instruments destinés à combler un vide immuable, à prendre la place indétrônable de celle qui m’a quitté, en vous glissant dans ses bas sexy. Un moment. Un court instant. Ne serait-ce que furtivement. Aimez-moi !
Elle, elle l’a fait courageusement pendant si longtemps. D’abord avec flammes et passion, faisant bouillir le chaudron. Puis, conviant à notre table des invités de remplacement, prolongement fatal de l’essoufflement de notre couple. Pitoyable madame Affection ! Pauvre mademoiselle Estime ! Je les ai tellement malmenées, qu’elles ont fini par me tourner le dos définitivement. Ensuite, face à ma quête inassouvie de glouton du croupion, j’ai eu droit au dessert surprise, « made in divorce ».
− Hé oh, fais gaffe, sans les dents ! Et toi, garce, tu as collé des traces de rouge à lèvres sur ma chemise. Y va falloir un peu plus s’appliquer, là. Sinon…
Faut pas me prendre pour un con, les filles. J’ai déjà donné, et c’est terminé. Plus personne ne me ridiculisera. Si ma mère ne s’était pas jetée du sixième étage à cause de mon salaud de père, quand j’avais quinze ans, elle ne l’aurait jamais laissé faire. Elle l’aurait empêché de partir. Elle aurait su la retenir. Elle l’aurait convaincue qu’elles avaient tort, toutes les deux, de me quitter. Aimez-moi !
− Quoi, il est mou ? Et alors ? T’as qu’à y mettre un peu plus de cœur ! Ouais, je compatis, ça fait des heures que tu t’y colles.
D’un autre côté, c’est pas pour rien que je vous ai choisies, fraîches comme les huîtres au coin de ma rue. C’est ça, plus fort, plus haut, plus loin ! Mais allez, bon sang, prenez les armes, faites-le monter au créneau, faites voler en éclat le mur de Berlin !
− Comment ça, vous vous barrez ? Vous pouvez pas me faire ça ! Non, tu restes là, toi. Toi aussi, viens là, à genoux ! M’obligez pas à me servir de ça. Allez, encore !
Après tout, puisque vous avez démérité en ne le durcissant pas, c’est moi qui vais palier ce manque. Dans quel monde on vit, il faut tout faire soi-même… Ne vous inquiétez pas, mon bras, lui, est d’acier. Surtout avec mon canif entre les pattes. Je l’astique pour qu’il brille des mille feux qui me font défaut, je le masturbe afin d’y faire couler ma semence.
− Non, attends, qu’est ce que tu fous, toi ? Lâche ça ! Non, c’était pour rigoler, pour rajouter du piment. Tu ne vas pas me dire que tu m’as pris au sérieux ?
La première sauterelle a été si rapide que je n’ai rien vu venir. Elle m’a pris la lame des mains, et soudain, de grands yeux de granit m’ont sauté au cou. Son coup de couteau aussi, d’ailleurs. Il m’aura fallu cette proximité, plus intime qu’un acte sexuel, pour m’immerger dans la rage de sa larme, tel un plongeur en eau profonde.
Au dernier assaut, l’acier au goût de porcelaine, s’enfonce plus loin, quelque part entre mes années de désillusion, et l’espoir ivoirin d’un futur meilleur. Presque sans douleur, je constate que la moitié de ma main gît au sol. Mes doigts morts, revêtent enfin leur manteau de douceur, se colorant de rouge d’amour. Mon pantalon, encore pendant sur mes chevilles, mes godasses, mon canapé, mon tapis, s’en imbibent à une vitesse faramineuse. Maintenant que ma jugulaire prend un billet aller pour l’au-delà, plus rien ne sera comme avant. Tant mieux, je n’ai jamais aimé tout ça. Et surtout pas moi.
Aimez-moi !
Aimez-moi !
Je ne demande que ça. Rien qu’une nuit, rien qu’une fois. Peu importe qui, quand, comment, ou pourquoi. Aimez-moi !
Vous, mes frêles colombes, qui viennent de picorer des cacahuètes, les ailes lourdes de whisky, appuyées sur la rambarde de mon balcon gris, aussi froid que la tour Eiffel nous narguant à l’horizon. Mes cherries imbibées de coke en talons cocktail, que j’ai ramassées au petit matin sur les quais de la Seine, une odeur de cigarettes dans les cheveux, et de sexe au bord des lèvres.
Toutes les deux, vous représentez le mauvais côté de la cuisse. Pas celle du poulet grillé dominical aux relents de repas de famille. Pas la tendresse d’une main de femme qui s’allie aux méandres de son homme, pour le meilleur et pour le pire.
D’ailleurs, je n’ai même pas prêté attention à vos visages. À quoi bon ? Ta minijupe plus courte que la lame de mon opinel, Avril, me parle plus que n’importe quel regard. Sans parler du short moulant la moule de l’autre, comment déjà? Anaisthêsia. Non, peut-être pas. Peu importe. Elle n’a rien d’un anesthésiant, ça c’est sûr…
− Et toi, c’est comment ton petit nom ? vous m’avez demandé.
− Saturne, mais il n’a rien de petit.
Non, c’est même la deuxième plus grande planète du système solaire. La diversité de son système d’anneaux est absolument incroyable. Constitué de cristaux de glace, à sniffer pour mieux se perdre soi-même. De poussière, comme celle qu’on deviendra un jour. Ou de roches magnifiques, aussi dures que les coups de poings infligés par mon père, qui s’est appliqué à me réduire en bouillie d’agneau. D’anneaux ? Peut-être. Comme l’alliance que j’ai perdue, ou celle qui accompagnait ma mère dans la tombe. Aimez-moi !
Allez les filles, assez bavassé, levez-vous qu’on danse. À propos de tourner autour du soleil, vous avez fini par m’échauffer. Oui, bougez-vous, trémoussez-vous, déshabillez-vous, je vais vous donner ce que vous êtes venu chercher. On va « saturbiner », mes cocottes !
Ah, non ! Qu’est-ce que c’est que cette musique de zulu ? Ecoutez-moi ça, plutôt. C’est quoi ? J’vous en foutrai, moi ! Et pas seulement de mon foutre. Respect aux rois de Liverpool : « All you need is love, tou toutou loulou. All you need is love, love. Love is all you need. »
Si c’est pas malheureux, vous n’êtes même pas bonnes à faire taire ma voix off, foutus sous-titres ne me laissant pas un instant de répit. Je les exècre presque autant que vous. Les voilà, vous les entendez ? Sur fond de verre d’alcool, je me fonds dans le décor d’une vie dénuée de fond. Mais ça, mes poulettes, vous ne pouvez pas le comprendre. Vous êtes là par hasard, instruments destinés à combler un vide immuable, à prendre la place indétrônable de celle qui m’a quitté, en vous glissant dans ses bas sexy. Un moment. Un court instant. Ne serait-ce que furtivement. Aimez-moi !
Elle, elle l’a fait courageusement pendant si longtemps. D’abord avec flammes et passion, faisant bouillir le chaudron. Puis, conviant à notre table des invités de remplacement, prolongement fatal de l’essoufflement de notre couple. Pitoyable madame Affection ! Pauvre mademoiselle Estime ! Je les ai tellement malmenées, qu’elles ont fini par me tourner le dos définitivement. Ensuite, face à ma quête inassouvie de glouton du croupion, j’ai eu droit au dessert surprise, « made in divorce ».
− Hé oh, fais gaffe, sans les dents ! Et toi, garce, tu as collé des traces de rouge à lèvres sur ma chemise. Y va falloir un peu plus s’appliquer, là. Sinon…
Faut pas me prendre pour un con, les filles. J’ai déjà donné, et c’est terminé. Plus personne ne me ridiculisera. Si ma mère ne s’était pas jetée du sixième étage à cause de mon salaud de père, quand j’avais quinze ans, elle ne l’aurait jamais laissé faire. Elle l’aurait empêché de partir. Elle aurait su la retenir. Elle l’aurait convaincue qu’elles avaient tort, toutes les deux, de me quitter. Aimez-moi !
− Quoi, il est mou ? Et alors ? T’as qu’à y mettre un peu plus de cœur ! Ouais, je compatis, ça fait des heures que tu t’y colles.
D’un autre côté, c’est pas pour rien que je vous ai choisies, fraîches comme les huîtres au coin de ma rue. C’est ça, plus fort, plus haut, plus loin ! Mais allez, bon sang, prenez les armes, faites-le monter au créneau, faites voler en éclat le mur de Berlin !
− Comment ça, vous vous barrez ? Vous pouvez pas me faire ça ! Non, tu restes là, toi. Toi aussi, viens là, à genoux ! M’obligez pas à me servir de ça. Allez, encore !
Après tout, puisque vous avez démérité en ne le durcissant pas, c’est moi qui vais palier ce manque. Dans quel monde on vit, il faut tout faire soi-même… Ne vous inquiétez pas, mon bras, lui, est d’acier. Surtout avec mon canif entre les pattes. Je l’astique pour qu’il brille des mille feux qui me font défaut, je le masturbe afin d’y faire couler ma semence.
− Non, attends, qu’est ce que tu fous, toi ? Lâche ça ! Non, c’était pour rigoler, pour rajouter du piment. Tu ne vas pas me dire que tu m’as pris au sérieux ?
La première sauterelle a été si rapide que je n’ai rien vu venir. Elle m’a pris la lame des mains, et soudain, de grands yeux de granit m’ont sauté au cou. Son coup de couteau aussi, d’ailleurs. Il m’aura fallu cette proximité, plus intime qu’un acte sexuel, pour m’immerger dans la rage de sa larme, tel un plongeur en eau profonde.
Au dernier assaut, l’acier au goût de porcelaine, s’enfonce plus loin, quelque part entre mes années de désillusion, et l’espoir ivoirin d’un futur meilleur. Presque sans douleur, je constate que la moitié de ma main gît au sol. Mes doigts morts, revêtent enfin leur manteau de douceur, se colorant de rouge d’amour. Mon pantalon, encore pendant sur mes chevilles, mes godasses, mon canapé, mon tapis, s’en imbibent à une vitesse faramineuse. Maintenant que ma jugulaire prend un billet aller pour l’au-delà, plus rien ne sera comme avant. Tant mieux, je n’ai jamais aimé tout ça. Et surtout pas moi.
Aimez-moi !