Justement aujourd’hui, ce n’est pas Kippour. On pourrait même dire Joyeux Non Kippour 364 jours par an, comme dans Alice au pays des Merveilles, quand le chapelier fête un Joyeux Non Anniversaire !
C’est le jour que je choisis pour te demander pardon. Parce que c’est un jour comme les autres, qui n’a rien de spécial, si ce n’est le fait qu’il représente la graine de la vie. En effet, elle est constituée en majorité de ces jours-là, la vie. Elle ressemble à des aiguilles qui tricotent encore et encore jusqu’à ce que, après régularité et patience, se dessine une forme, une couleur, une texture chaude et rassurante.
Donc pardon. Pas un pardon pour quelque chose de spécifique que j’aurais fait ou dit. Ceux-là, je les ai déjà énoncés au fur et à mesure de nous. Mais petite dose de pardon, un peu pour chaque jour, pour bien me rappeler qu’accepter d’être un homme, c’est accepter de faire des erreurs.
Et puis, plutôt que de parler de Grand Pardon, pourquoi ne pas s’attarder sur le Grand Merci. Celui-là aussi mérite qu’on s’y penche tous les jours. Peut-être même toutes les secondes.
Merci à mes parents d’avoir accompagné mes premiers pas, merci à toi d’être mon mari, merci à vous de m’avoir choisi comme mère, merci de me faire grandir, merci de m’aimer.
Un après-midi de printemps, alors que je revenais du travail, j’aperçus un auto-stoppeur avec ses deux garçons. Je m’arrêtais sur le bas-côté pour les prendre. Le père était chargé de paquets et il faisait très chaud. Le sourire aux lèvres, il m’indiqua sa destination, un village à une dizaine de kilomètres du mien en direction de la mer morte. Il descendrait au point de jonction pour continuer avec une autre voiture. Lors du trajet, le plus jeune garçon épuisé par la chaleur, s’endormit. Au moment de notre arrivée, je décidai de les déposer à bon port, n’ayant pas le cœur à réveiller l’enfant. L’homme, étonné et gêné, balbutia quelques mots de protestation. Mes efforts pour le mettre à l’aise furent vains. Il passa le reste de la route à se confondre en excuses et à me remercier jusqu’au dernier moment. En les voyant marcher vers leur maison, lui les bras chargés et le garçon à moitié endormi soutenu par son grand frère, je restais là sans pouvoir détacher mes yeux de leur silhouette. Je prononçais alors ces mots à voix haute : « C’est moi qui dois te dire merci. Merci de ton sourire, merci de ton merci. Merci de me rappeler combien ma vie est douce, combien j’ai de la chance que certaines choses me paraissent trop évidentes pour avoir à y penser, comme d’avoir une voiture, d’y allumer la clim et d’écouter la radio. Oui, c’est moi qui dois te dire merci. »