Une fois de plus, je suis en retard à mon cours de sculpture du mardi soir. Depuis maintenant quatre ans, l’art de modeler me passionne. Le mélange de force et de sensibilité déployées m’emplit de fierté. Pour me remonter le moral, rien de tel qu’une visite au musée Rodin. Empreinte de sueur et de larmes, son histoire passionnelle avec Camille Claudel, imprègne leurs sculptures respectives. Les formes débordent de beauté et de sensualité, ce qui me touche profondément. Impossible de rester indifférente à tant de génie. Une de ses phrases me revient souvent en mémoire : « Quand un bon sculpteur modèle des corps humain, il ne représente pas seulement la musculature, mais aussi la vie qui les réchauffe. »
Je cours dans le couloir menant à l’atelier et pousse la porte. Dans mon élan, je fais plus de bruit que je ne l’avais prévu, ce qui provoque un sursaut général de la part des élèves déjà concentrés sur leur morceau d’argile. Le modèle lui aussi ne peut éviter de tourner la tête, ce qui contraint le professeur à venir le replacer dans son axe de départ. Positionné dans l’entrée, le jeune homme a été surélevé sur une estrade recouverte d’un tissu blanc. Debout et de profil, il est nu. Ce qui place son sexe exactement à la hauteur de mon torse. Ne m’y attendant pas, cette situation où tous les visages sont tournés vers moi alors que je me trouve nez à nez avec « la bête », me fait rougir. Regardant le bout de mes chaussures, je me confonds en excuses.
− Désolé d’être en retard.
− Alex ! Ma chère enfant ! Vous êtes rouge comme une pivoine. Le cours de dessin, c’est en face ! plaisante le sculpteur.
L’assemblée rit, et moi je me fais toute petite sur ma chaise.
− Allez, allez, c’est pour rire. Vous savez bien que je vous adore ! Un peu de concentration, je vous prie. Poursuivons !
Quelques minutes pour reprendre mes esprits et j’entreprends de commencer mon ouvrage. J’observe tout d’abord longuement le modèle. Il est très beau avec ses boucles blondes et son visage d’Apollon. Sa peau blanche met en lumière ses muscles bien dessinés. Son regard se porte vers le bas, ce qui lui confère un aspect timide qui lui va bien.
C’est à ce moment qu’arrive l’impensable. Pour la première fois, j’éprouve de l’attirance pour un modèle ! Cette pulsion est si soudaine, si inattendue, que je détourne le regard. Troublée, je n’ose plus le regarder. Je fais semblant de travailler tout en essayant de garder mon sang-froid, malgré mon cœur qui bat la chamade. J’ai honte de mes pensées et j’ai l’impression qu’elles se lisent sur mon visage.
Pourquoi cet homme éveille-t-il en moi de tels sentiments ? Et lui, que ressent-il, ainsi dénudé et observé par plusieurs paires d’yeux ? Je ne m’étais jamais posé toutes ces questions. Je me demande ce qui est différent aujourd’hui. C’est comme si j’allais au-delà de l’image à sculpter, comme si je ne m’arrêtais plus au corps en tant qu’objet de modelage. La première couche de l’épiderme franchie, j’ai envie de toucher son enveloppe charnelle, de sentir sa chaleur, de le connaître davantage.
Un des grands-pères du groupe, assis à ma gauche, me chuchote :
− Ben alors. Qu’est-ce que tu as Alex ? Il ne t’inspire pas ?
− Si justement…
− Ah je vois. Moi aussi ça m’arrive parfois.
− Ah bon ?
− Pas avec les hommes !
− J’avais compris.
− C’est très naturel, tu sais.
− C’est la première fois que j’y pense.
− Depuis combien de temps tu viens au cours ?
− Quatre ans.
− Alors c’est ça qui doit t’étonner. Pourquoi seulement maintenant…
Je cours dans le couloir menant à l’atelier et pousse la porte. Dans mon élan, je fais plus de bruit que je ne l’avais prévu, ce qui provoque un sursaut général de la part des élèves déjà concentrés sur leur morceau d’argile. Le modèle lui aussi ne peut éviter de tourner la tête, ce qui contraint le professeur à venir le replacer dans son axe de départ. Positionné dans l’entrée, le jeune homme a été surélevé sur une estrade recouverte d’un tissu blanc. Debout et de profil, il est nu. Ce qui place son sexe exactement à la hauteur de mon torse. Ne m’y attendant pas, cette situation où tous les visages sont tournés vers moi alors que je me trouve nez à nez avec « la bête », me fait rougir. Regardant le bout de mes chaussures, je me confonds en excuses.
− Désolé d’être en retard.
− Alex ! Ma chère enfant ! Vous êtes rouge comme une pivoine. Le cours de dessin, c’est en face ! plaisante le sculpteur.
L’assemblée rit, et moi je me fais toute petite sur ma chaise.
− Allez, allez, c’est pour rire. Vous savez bien que je vous adore ! Un peu de concentration, je vous prie. Poursuivons !
Quelques minutes pour reprendre mes esprits et j’entreprends de commencer mon ouvrage. J’observe tout d’abord longuement le modèle. Il est très beau avec ses boucles blondes et son visage d’Apollon. Sa peau blanche met en lumière ses muscles bien dessinés. Son regard se porte vers le bas, ce qui lui confère un aspect timide qui lui va bien.
C’est à ce moment qu’arrive l’impensable. Pour la première fois, j’éprouve de l’attirance pour un modèle ! Cette pulsion est si soudaine, si inattendue, que je détourne le regard. Troublée, je n’ose plus le regarder. Je fais semblant de travailler tout en essayant de garder mon sang-froid, malgré mon cœur qui bat la chamade. J’ai honte de mes pensées et j’ai l’impression qu’elles se lisent sur mon visage.
Pourquoi cet homme éveille-t-il en moi de tels sentiments ? Et lui, que ressent-il, ainsi dénudé et observé par plusieurs paires d’yeux ? Je ne m’étais jamais posé toutes ces questions. Je me demande ce qui est différent aujourd’hui. C’est comme si j’allais au-delà de l’image à sculpter, comme si je ne m’arrêtais plus au corps en tant qu’objet de modelage. La première couche de l’épiderme franchie, j’ai envie de toucher son enveloppe charnelle, de sentir sa chaleur, de le connaître davantage.
Un des grands-pères du groupe, assis à ma gauche, me chuchote :
− Ben alors. Qu’est-ce que tu as Alex ? Il ne t’inspire pas ?
− Si justement…
− Ah je vois. Moi aussi ça m’arrive parfois.
− Ah bon ?
− Pas avec les hommes !
− J’avais compris.
− C’est très naturel, tu sais.
− C’est la première fois que j’y pense.
− Depuis combien de temps tu viens au cours ?
− Quatre ans.
− Alors c’est ça qui doit t’étonner. Pourquoi seulement maintenant…